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Le patrimoine est en pleine mutation. La définition que l’on en donne habituellement l’associe étroitement à l’acte d’hériter et à celui de se perpétuer. Il implique la transmission et conduit à opérer un changement de statut, une mutation de fonction et d’usage des objets et des pratiques. Après avoir été longtemps associé à l’histoire de la nation en s’exprimant habituellement dans l’art et l’architecture savante, il se nourrit aussi de l’histoire des hommes et de leur mémoire. Il fait ainsi coexister deux réalités différentes : l’une universaliste, juridique, savante se fonde sur le règlement et la loi ; l’autre, particulière, s’appuie sur l’appropriation par les acteurs de ce qui, pour eux, fait patrimoine (Rautenberg, 2003). Dans cette seconde acception, le patrimoine est lié à « la reconnaissance commune par des groupes sociaux que des objets, des lieux, des systèmes de signes, de valeurs sont leur bien propre, au cœur de la construction de leur identité sociale » (Rautenberg, 2003 : 107). Les productions agricoles et alimentaires localisées s’inscrivent dans cette problématique qui élargit la notion à la culture locale. C’est de ce patrimoine dont il sera question ici, généré par la société et étroitement lié à un lieu. Il prend une ampleur croissante, dans un contexte où la société, dans son évolution, remet en question des éléments aussi structurants que l’espace ou le temps et associe la croissance, la rationalité et la productivité à la suppression de tout support, d’enracinement et de sédentarité.
Ainsi, la démarche patrimoniale touche aujourd’hui tous les objets du quotidien, incluant la catégorie si particulière du vivant. Elle est le fait d’une constellation d’acteurs, à commencer par les locaux qui font leur, rejettent ou observent d’un air indifférent les divers éléments constitutifs de la société.
Dynamique, ce processus de patrimonialisation - c’est-à-dire de construction du patrimoine par la société en changeant le statut des objets - aide à penser le lien entre le temps (passé, présent et futur), entre les hommes (qui partagent des représentations, des légendes, des souvenirs) et entre les espaces (ici et ailleurs). Il est partie prenante dans les représentations collectives de la reproduction sociale et des relations intergénérationnelles. Les productions de terroir relèvent de cette construction sociale, elles forment un patrimoine « en activité » qui continue d’être modelé. Elles reflètent aussi et surtout une certaine capacité à construire ensemble, à se projeter collectivement dans l’avenir et à se reconnaître entre soi par le partage d’une identité (Rautenberg, 1997; Micoud, 1991). Nous nous attacherons à mieux connaître ce patri- moine, à analyser les relations qu’il entretient avec les indications géographiques et l’usage qu’en fait la société locale.